« C’est une révolte – pacifique – mais une révolte quand même, contre l’idée que l’on ne peut rien faire contre cette fatalité qui nous assaille si durement. C’est la négation de l’idée qui est répandue un peu partout, qu’il faut attendre, attendre que la conjoncture économique change.»
Ces mots ont été prononcés il y a plus de trente ans par le précurseur des entreprises d’apprentissage par le travail : le prêtre-ouvrier Roger Vanthournout. Quarante ans plus tard, son projet émancipateur et a-légal, comme il aimait le souligner, s’inscrit dans un nouveau décret CISP. Que de constructions institutionnelles suggérées, négociées, concertées avec le tissu associatif naissant de l’époque des innovations sociales diverses… toujours autour de cette liberté d’action chère au secteur non marchand…
Entre projets innovants co-créés par des personnes qui s’associent autour d’une difficulté ou d’une défaillance de notre société, et projets cadenassés, préformatés, enfermant et excluant, qu’est devenue l’autonomie associative ? Dans la perspective des échéances électorales de 2019, c’est l’une des questions, parmi tant d’autres, à laquelle la FESEFA s’intéressera à l’occasion de l’élaboration collective d’un document politique qui pointera une série d’enjeux et questions mettant en tension le secteur associatif en général, et le secteur EP en particulier.
Aussi, dans cette édition du beep de juin 2018, nous vous proposons, comme un avant-goût de l’ouvrage collectif en préparation, un dossier qui interroge cette liberté associative : Jacques Defourny, qui porte le «troisième secteur» – l’économie sociale – au niveau académique, nous propose un retour sur les grandes étapes de l’histoire du fait associatif. Philippe Andrianne, par son expérience associative nourrie, développe les signes et les enjeux d’une remise en cause de la liberté d’association. Pierre Georis examine à la loupe l’enlisement de la mise en oeuvre de la Charte associative.
Le monde associatif dépasse largement les secteurs représentés par la FESEFA. Nous avons souhaité observer dans d’autres actions non marchandes les logiques semblables qui détricotent cette liberté d’association. Marie Deridder analyse pour nous l’exemple de la réforme de la coopération au développement. Sous couvert de «bonne gouvernance», une perte de sens s’installe, démotive, et produit des fins de non recevoir…
Un de nos membres, le mouvement d’Éducation permanente Lire et Écrire, exprime les tensions vécues sur le terrain par cette dépendance aux politiques d’activation et qui mettent à mal le droit inaliénable à s’alphabétiser.
Dans ce paysage assombri de perte d’autonomie, une éclaircie, peut-être… L’Éducation permanente résiste et revient à ses sources, à ses origines, à son engagement politique, à son article Ier du Décret. Le projet de modification du décret le réaffirme haut et fort. Sera-t-il suffisant pour contrer des logiques de gouvernance soumises à des logiques comptables et à ce que d’aucuns nomment la «tyrannie des nombres» ? Puisque tout est politique, alors, discutons-en !